CALLIGRAMMES ET ABSTRACTION

Wolfgang Wackernagel

 

1. DEUX RENAISSANCES AU XXeme SIECLE
2. NOUVELLES TECHNOLOGIES D'ECRITURE
3. SURVOL GENERIQUE
4. VERNISSAGE SUR IMPRIMANTES
5. ENTRE MIMESIS ET ABSTRACTION

 

1. Deux renaissances au XXe siècle.

La renaissance du calligramme au XXe siècle est essentiellement associée à l'influence de Guillaume Apollinaire. Nous savons que chez ce dernier, l'intérêt pour la qualité visuelle du texte fut grandement stimulé par des relations privilégiées avec les peintres les plus célèbres du siècle naissant : Derain en 1903, Picasso dès 1904, et par la suite notamment le couple Delaunay, dans un échange fructueux qui devait aboutir en 1913 à la publication de Peintres cubistes, méditations esthétique(1) . C'est semble-t-il au même poète et critique d'art que nous devons le qualificatif d'orphisme, pour désigner la peinture dérivée du cubisme, et déjà implicitement "abstraite", de ses amis les Delaunay, Chagall, ainsi que certaines oeuvres de Léger, Duchamp et Villon. Apollinaire publia encore en 1913 Alcools ainsi qu'un manifeste de "L'antitradition futuriste". Ce dernier, parfois interprété comme un pastiche du mouvement de Marinetti, constitue un premier essai de poésie visuelle, reprenant des injonctions telles que "littérature pure", "imagination sans fil" et "mots en liberté". En automne 1913, Blaise Cendrars publie sa "Prose du Transsibérien" polychrome, assortie d'images semi-abstraites de Sonia Delaunay. L'année suivante, Apollinaire salue dans un article la "simultanéité" du poème (la "synchronicité" constituait aussi un mot d'ordre du fururisme). Lui-même réalisera la "Lettre-Océan" premier "idéogramme" d'une abondante production, dont l'élégiaque "Colombe poignardée et le jet d'eau", ainsi que d'autres "poèmes de la paix et de la guerre" (1913-1916), cependant que l'ensemble du recueil intitulé Calligrammes ne devait être publié qu'en 1918.

Parallèlement, la théorie moderne de l'abstraction vit le jour, tout d'abord sur le plan conceptuel, grâce notamment à la thèse de doctorat d'un jeune historien d'art. Abstraktion und Einfühlung de Wilhelm Worringer fut soutenu à Berne en 1907, avant d'être publié à Munich en 1908, où le livre connut un succès record, compte tenu de la nature académique de la publication. Cet ouvrage marqua un regain d'intérêt pour les périodes à dominance "abstractive" de l'histoire artistique de notre civilisation, et il contribua très vraisemblablement à la recherche conceptuelle d'un art purement abstrait, mais aussi à l'élaboration pratique d'une peinture plus communément qualifiée de non-figurative. C'est en effet deux années plus tard, en 1910, que Kandinsky réalisa sa première aquarelle abstraite. En 1911, Kandinsky publia Du spirituel dans l'art , dont la première rédaction date de 1909, chez le même éditeur que Worringer; avant de se lancer avec Franz Marc dans la réalisation de l'almanach du Cavalier bleu, publié en 1912, toujours chez Piper à Munich (2). Le recul historique a désormais consacré la pertinence du choix des contributions : Arp, Cézanne, Delaunay, Gauguin, Heckel, Kirchner, Klee, Kokoschka, Macke, Matisse, Picasso, Rousseau, Schönberg, etc., autant de noms désormais célèbres, peut-être les meilleurs de l'époque, se trouvèrent réunis dans cet almanach (3).
Apollinaire fut l'invité de Kandinsky au deux expositions du Blaue Reiter, ainsi qu'en témoigne une lettre datée de Murnau, le 14 mai 1912, que ce dernier écrivit à Franz Marc. Dans cette lettre, Kandinsky prévoit d'envoyer des copies de l'almanach à Guillaume Apollinaire, entre autres, ainsi qu'à Worringer pour le remercier "d'avoir écrit si chaleureusement" au sujet de son livre (Ueber das Geistige in der Kunst ) (4). Cette même année, Apollinaire entrevoit "la naissance d'une 'peinture pure', dégagée de toute référence au réel", et comme pour aller à la rencontre de cette tendance, il ne va pas tarder à réaliser ses premiers "idéogrammes". Cependant, la mimésis poétique de la peinture est précédée d'une intégration picturale de l'écriture, et avant qu'Apollinaire entreprenne une expérimentation avec les qualités concrètes de l'écriture, il aura pu observer dès 1911 la présence de lettres isolées, voire de mots entiers dans la peinture, notamment chez Braque et Picasso. Nous voyons ainsi se recouper les cheminements des artisans d'une double renaissance au XXe siècle, laquelle reflète apparemment des aspirations opposées : non figuration dans la peinture et poésie "figurative" dans l'écriture - comme si l'écriture et la peinture cherchaient à renier et à dépasser leur spécificité propre. Mais alors que la non-figuration dans la peinture connut une expansion prodigieuse, la poésie figurative demeura le parent pauvre, avec une audience bien plus restreinte, malgré un développement constant et de nombreuses expérimentations.

 

2. Nouvelles technologies d'écriture.

Au commencement du siècle, l'écriture n'avait pas encore connu une crise d'identité comparable à celle que provoqua dans la peinture l'invention et la rapide progression des techniques photographiques : depuis 1434, relativement peu de choses avaient changé dans le monde de l'imprimerie, et en comparaison avec celui de l'image, le traitement du texte était loin d'avoir rejoint la qualité instantanée si caractéristique de l'image photographique. L'obstacle typographique demeurait, et il fallait être imprimeur ou disposer d'un typographe pour publier un livre, alors que dans la peinture figurative, la raison d'être du peintre était définitivement remise en cause par la supériorité mimétique de la photographie. Cependant, nous assistons ces de la photographie. Cependant, nous assistons ces dernières années à une révolution des pratiques de l'écriture pour le moins équivalente dans son ampleur à celle que provoqua l'introduction de la photographie dans l'univers de la figuration, de sorte que techniquement, il n'est pas exagéré de parler d'une véritable chute des barrières typographiques. L'étendue du phénomène, et la rapidité de son évolution, laissent à peine le loisir d'en circonscrire les retombées possibles sur la création littéraire.

Tout comme dans la photographie, où il est d'abord question de diaphragme, de sensibilité (celle du film, et non celle du photographe) et de vitesse d'obturation, on assiste aussi dans l'informatique à une dépoétisation du discours au profit de la simple facticité technique. Cependant, les propos autour du clavier - comme ceux autour des oxydes et des siccatifs - sont une étape pour arriver à autre chose. De plus, l'introduction de nouvelles possibilités remet toujours en cause des pratiques reconnues, et les valeurs établies, telle que celles de l'artiste ou de l'écrivain ne subsistent que par un supplément de créativité, doublé d'une maîtrise et d'une intégration de ces possibilités, ou encore, par une nouvelle voie de différenciation par rapport à celles-ci, comme ce fut le cas de la peinture face à la photographie. Cependant, une confrontation créatrice à de tels changements devrait se faire selon un esprit de complémentarité, et la différenciation ne devrait jamais équivaloir à une substitution ou à un refoulement.

Concrètement, si nous prenons le cas de l'informatique, nous constatons que les plus récentes évolutions permettent notamment le libre-accès à la réalisation de calligrammes, domaine jusque-là partagé entre le dessin, la machine à écrire traditionnelle (peu commode, possibilités limitées mais non dépourvues de charme) et le lourd appareillage de l'imprimerie. Un nouvel essor est donc prévisible pour cette discipline du texte, où la visibilité et l'esthétique du graphisme se marient aux principes sémantiques de la lisibilité et de la poésie du verbe.

 

3. Survol générique.

Mais qu'est-ce, au juste, qu'un calligramme? Le dictionnaire Larousse des Littératures (1986) le définit comme un "poème où la disposition typographique dessine une figure, généralement en rapport avec le 'sujet' du texte". A titre d'exemples sont cités, entre autres, la "Dive Bouteille" de Rabelais, et bien sûr les Calligrammes d'Apollinaire comme "la plus célèbre tentative du genre". Nous apprenons aussi que le procédé est probablement aussi vieux que l'écriture, puisqu'il remonte, de façon attestée, jusqu'à Simias de Rhodes (IVe siècle av. J.-C.), auquel nous devons un magnifique "Oeuf", une "Hache" et deux "Ailes"; à son disciple Théocrite de Syracuse ("La syrinx"), ainsi qu'à Dosiadas, Bésantinos et Callimaque. Publius Optatianus Porfyrius réalisa ses Carmina cancellata à l'époque de Constantin, cependant qu'entre antiquité et moyen-âge, nous trouvons les Carmina figurata de l'abbé de Fulda (Raban Maur, 780-856).

La liste, on le devine, est loin d'être exhaustive, puisque, si nous voulons considérer le phénomène dans un sens élargi selon la désignation grecque de "jeu d'art" (technopaegnia ), comprenant toutes sortes de mises en page originales et de jeux avec les lettres ou les transcriptions de phonèmes, il faudrait encore citer en tout cas l'importante contribution de la littérature baroque; Laurence Sterne pour le XVIIIe siècle; Lewis Carroll et surtout le Coup de dés de Mallarmé pour le XIXe; et, sans porter de jugement de valeur sur des productions souvent inégales, de nombreux auteurs et mouvements en "isme" pour les quatre premiers cinquièmes de ce XXe siècle finissant : depuis les débuts du futurisme (Khlebnikov, Marinetti), et sans oublier les constructivismes et suprématismes subséquents (El Lissitsky), le surréalisme d'avant les manifestes (André Breton et René Char, influence d'Apollinaire), jusqu'à la poésie concrète (Max Bense, Eugen Gomringer); les dadaïstes (Hugo Ball, Tristan Tzara et Kurt Schwitters), les lettristes (Isidore Isou), les spatialistes (Pierre Garnier), les "délires typographiques" et la poésie expérimentale du cercle de Raymond Queneau et Georges Perec; ou encore les "graphismes déferlants" et les "labyrinthes calligraphiques" de Pierre Louÿs et Robert de Montesquiou, dont se serait divertie Colette (L'Etoile Vesper ); Maurice Roche (Circus), Michel Butor (Illustrations), Jacques Roubaud (Trente et un au cube), Jacques Derrida (Glas ); ou encore la "calligraphie animée" de Michel Bret et Roger Laufer (Deux Mots , 1983). Autant de pistes pour une enquête : le premier tri au creux d'un filet aux mailles encore bien peu serrées (5).

Dans un survol de l'histoire récente du calligramme, on peut remarquer que la prise de conscience des possibilités offertes par celui-ci a rapidement évolué avec le débordement du lourd appareillage de l'imprimerie vers le libre-accès aux caractères métalliques que permit la machine à écrire, laquelle avait à son tour contribué à relancer l'attrait du genre. La poésie concrète et le spatialisme ont largement mis à profit cet instrument, soit en déjouant le strict alignement qu'il impose (déplacement de la feuille ou du rouleau, superpositions, etc.), soit en faisant de cette linéarité et de l'espace normalisé des caractères la règle même de l'exercice (6).

On peut dire aussi que l'écriture, lapidaire ou tracée à la plume, incarne un idéal que l'imprimerie, avec ses techniques nouvelles, tend à imiter. La forme compacte aux allures éternelles des lettres gravées dans la pierre s'y voit reproduite, mais l'écriture liée, italique ou gothique est aussi appréciée. La machine à écrire imite à son tour ce procédé, tout en le simplifiant, et nous entrons maintenant dans une nouvelle phase, celle des imprimantes thermiques, matricielles, à marguerite ou à laser, qui couronnent cette individuation du caractère typographique, en offrant toutes sortes d'écritures personnalisées ou fantaisistes. Cependant, il reste toujours possible de rechercher la conformité à l'ancien par ces moyens nouveaux, ou alors, d'élaborer des modes d'expression propres.

La spécificité du graphisme électronique réside dans la notion de pixel (picture element) comme élément constitutif de l'image digitalisée, laquelle est aussi applicable dans la composition des différents caractères typographiques, de sorte que pour un ordinateur, les techniques du graphisme et celles de l'affichage d'un texte sur l'écran relèvent du même principe. Un calligramme constitue une mise en abîme de cette conception, dans la mesure où les lettres sont disposées de manières à jouer le rôle de pixels macroscopiques remplissant la forme du texte, alors que les lettres du texte sont à leur tour constituées par les "éléments d'image" que sont justement les pixels . Image et texte acquièrent ainsi de plus en plus un statut interdépendant voire confondu, et ce d'autant plus que la question du support de l'image - jusque-là fondamentale pour la notion même d'oeuvre d'art, et plus encore pour celle de l'original distinct de la copie - est rendue caduque, dans la mesure où l'image se réduit à un ensemble de données digitalisées. L'image passe ainsi dans la catégorie des arts "immatériaux" (7) , tout comme l'écriture - support reproductible à souhait d'une substance abstraite qu'est la pensée de l'écrivain. Finalement, l'image et le texte accèdent à un degré d'abstraction connu jusque-là seulement dans le domaine de la musique, laquelle est d'ailleurs aussi concernée par les nouvelles méthodes de digitalisation (8).

 

4. Vernissage sur imprimantes.

A une évolution du concept même de l'oeuvre d'art correspond nécessairement une modification du statut attribué au "vernissage". Celui-ci est traditionnellement compris comme un rituel par lequel l'objet artistique acquiert son statut de bien public et d'oeuvre achevée. Dans l'informatique, l'instrument qui matérialise une écriture ou un graphisme pour réaliser une oeuvre au sens traditionnel à partir d'un ensemble de données jusque-là purement conceptuelles est dans un premier temps l'imprimante, ou tout instrument équivalent, qui cristallise l'oeuvre conçue comme oeuvre achevée pour un certain temps donné. Seule la copie est achevée, cependant que le modèle immatériel demeure modifiable, perfectible ou altérable ultérieurement. C'est ainsi qu'une imprimante, tout comme un appareil photo, met en valeur la temporalité unique de chaque tirage ou cliché comme un instant de temps suspendu pour la postérité. L'original, tout comme le monde, sujet à un perpétuel devenir, est perfectible et renouvelable tant qu'il y aura de la vie. Par ailleurs, l'opération du vernissage est confondue avec celle de l'encrage, c'est-à-dire avec l'actualisation même de l'oeuvre dans son support matériel. Il n'y a plus succession de couches de pigments, d'huiles et de siccatifs, de retouches et de vernis, mais il faudrait presque dire que la première couche, c'est aussi la dernière.

D'un point de vue esthétique, les machines à écrire électroniques à petite mémoire, de prolifération relativement récente, et pourtant déjà un peu archaïques, avec leurs tics-tacs qui déraillent et les pirouettes saccadées des marguerites, scandant le texte comme des dactylos fiévreuses et pressées de finir leur page, constituent le support le plus expressif pour un vernissage insolite : elles auraient de quoi séduire un poète futuriste "pour lequel il n'y a rien de plus intéressant que les mouvements des touches d'un piano mécanique", tout en éveillant peut-être chez d'autres un sentiment d'"inquétante étrangeté" (Freud), comme face à l'Olympia du conte d'Hoffmann, ou encore quelque chose rappelant l'écriture automatique des surréalistes (9). Cependant que d'un point de vue pratique, on constate déjà avec ces modestes représentants de l'industrie électronique - sur lesquels l'exercice de la poésie visuelle reste encore une affaire artisanale, le savoir-faire résidant déjà dans l'art de détourner ces machines à des fins pour lesquelles elles n'ont, en principe, pas été conçues - l'influence considérable que ces nouvelles technologies commencent à exercer sur la pratique même de l'écriture.

 

5. Entre mimésis et abstraction.

"Il faudrait exiger de l'écrivain qu'il compose réellement son écriture. Car ses pensées vous reviennent par l'oeil et non par l'oreille. C'est pourquoi la plastique typographique doit faire par l'optique ce que la voix et le geste de l'orateur crée pour ses pensées." (10) Cette exhortation d'un auteur versé simultanément dans la peinture, l'architecture, la typographie et la photographie date de la première moitié de ce siècle. Elle redevient autrement significative maintenant que les moyens de traiter l'esthétique visuelle du texte sont à la portée de tout un chacun, même si l'écriture des imprimantes constitue encore trop souvent une véritable insulte à la typographie.

L'art contemporain ayant affranchi l'image de sa fonction nécessairement figurative, on mesure l'étendue laissée entre une pratique du calligramme relativement mimétique et une "iconotexture" plus abstraite. Les calligrammes gagnent cependant à se voir réaliser de manière exigeante, et les nouvelles contraintes imposées par la recherche de la forme perdent leur attrait, si elles ne dialoguent pas avec les exigences traditionnelles de la littérarité. Dans un mariage entre le texte et la forme, entre l'abstraction et la mimésis, ou encore, entre typographie et métaphore, on peut suivre les cheminements d'une écriture qui aspire à s'incarner dans le domaine du visuel et du sensible, d'un verbe qui veut se faire chair. Alors même qu'à l'inverse, durant tout ce siècle, l'image jouait avec sa propre négation, dans un perpétuel dépassement vers l'abstraction, c'est-à-dire, très exactement, vers une province privilégiée de la littérature.

 

Wolfgang Wackernagel
Ecriture n° 31 / 8.8.88


 

1- Apollinaire eut le privilège de voir le célèbre "Bordel philosophique" dans l'atelier de Picasso à l'époque même de sa création en 1907. Cette peinture fut plus prosaïquement rebaptisée "Les demoiselles d'Avignon" pour la première exposition publique de 1916. Comme critique d'art, Apollinaire réalisa encore un article sur Picasso en 1905, un article sur Matisse en 1907, alors que de 1910 à 1912, il confie ses idées à la la revue berlinoise Der Sturm.

 

2- Un ouvrage récent affirme que la conception de Worringer "est sans rapport direct avec l'apparition de l'art abstrait. Aucun document ne prouve que Kandinsky ait eu connaissance de l'essai de Worringer". Dora Vallier, L'art abstrait, Poche Pluriel, Paris 1980, p. 21. L'auteur semble ignorer que cinq gravures médiévales de l'almanach du Cavalier Bleu (ed. Lankheit pp.21, 209, 211, 212, 215; cf. notes pp.339 et 357) proviennent des clichés d'un livre de Worringer, Die altdeutsche Buchillustration, paru chez Piper la même année. On ose supposer qu'en 1910 Kandinsky et Worringer étaient déjà en relation, ne serais-ce que par le truchement de leur éditeur commun. En effet, Kandinsky a effectué des travaux graphiques pour Reinhard Piper dès la fondation de sa maison en 1904, quatre ans avant la parution du premier livre de Worringer. Cf. Kandinsky und München. Begegnungen und Wandlungen, 1896-1914 , Prestel, Munich 1982, p.45.

 

3- On y retrouve cependant aussi des "croûtes", p. ex. un David Davidovitch (?) Burljuk, parfaitement conforme à l'esprit de son manifeste "Une gifle au bon goût public" (1912) cosigné avec Khlebnikov et Maïakovski. Par projection symétrique sur l'axe du siècle, 1988 serait l'année moins douze de la fin du siècle, et jubilé spéculaire entre autres du Cavalier Bleu . On pourrait continuer ainsi, à rebours du prochain millénaire.

 

4- Wassily Kandinsky, Franz Marc, Briefwechsel , ed. Klaus Lankheit, Piper, München/Zürich 1983, p.172.

 

5- On peut observer l'intérêt croissant que suscitent les questions d'interdépendance entre texte et image à l'échelle internationale. C'est ainsi qu'il faut signaler l'exposition Text als Figur. Visuelle Poesie von der Antike bis zur Moderne, qui fut organisée du 1. septembre 1987 au 17 organisée du 1. septembre 1987 au 17 avril 1988 par Jeremy Adler et Ulrich Ernst dans la fameuse Herzog-August Bibliothek de Wolfenbüttel, où travaillèrent notamment Leibniz et Lessing. Le catalogue de l'exposition réunit une bibliographie considérable. Dernière parution aux USA : Dick Higgins, Pattern Poetry : Guide to an Unknown Literature, Ithaka/New York 1987. En France, signalons le colloque Iconotextes organisé à Clermont-Ferrand au début de cette année.

 

6- Il semble que cette prise de conscience des possibilités graphiques de la machine à écrire ne remonte qu'à une période relativement récente, puisque, dans les années cinquante à soixante, le dictionnaire Laffont-Bompiani parlait encore, à propos des calligrammes, d'une "fantaisie" d'Apollinaire, laquelle "n'a pas eu de lendemain et n'a pas fait école", ce qui est inexact, ainsi que nous le savons. Bordas (1984) cite Pierre Albert-Birot et Louise de Vilmorin comme imitateurs d'Apollinaire. Mais ceux-ci se seraient généralement "fourvoyés du côté de la représentation (...) gracile et plus ou moins élégante du sujet du poème", la phrase s'épuisant "à courir après la forme, aux dépens le plus souvent de la lisibilité", alors que chez Apollinaire, l'image serait "consubstantielle" au poème.

 

7- Cf. l'expérience des "Immatériaux", organisée à Beaubourg du 28 mars au 15 juillet 1985 par le Centre de Création Industrielle, suivie de celles de Villeneuve-les-Avignon et Seattle. Conjointement à la date de parution de notre article, un Réseau International d'Activités Littéraires Télématiques (RIALT) sera en fonction dans le cadre du Forum des Arts de l'Univers Scientifique (FAUST 88), à Toulouse, du 19 au 24 octobre, avec la collaboration, notamment, de l'Atelier de Littérature Assistée par la Mathématique et les Ordinateurs (ALAMO), fondé par Paul Braffort.

 

8- Sur les problèmes relatifs au traitement informatique de l'image, cf. les ouvrages de René Berger, L'effet des changements technologiques, Lausanne 1983, et Jusqu'où ira votre ordinateur?, Favre, Lausanne 1987, Jürgen Claus, Das elektronische Bauhaus, Interfrom, Zürich, 1987. H.W. Franke, Leonardo 2000, Kunst im Zeitalter des Computers, avec des contributions d'Abraham Moles, Hans-Jürgen Brandt, Helmut Kreuzer, Grace Hertlein et Arthur Koestler; reproductions de Hein Gravenhorst, Manfred Klage, Ed Emshviler, John Sanborn, Mike Sciulli, Jim Blinn, Hervé Huitric et Yoichiro Kawaguchi, entre autres. Suhrkamp, Frankfurt/aM 1987. Benoit B. Mandelbrot, The Fractal Geometry of Nature, New York, 1977; P. O. Peitgen, P. H. Richter, The Beauty of Fractals, Springer, Berlin/New York 1986. Etc. (*Faust).

 

9- Marinetti, "Manifeste technique de la littérature futuriste" du 11 mai 1912, cité d'après J. Adler/U. Ernst, Text als Figur, Weinheim 1987, p.255. E.T.A. Hoffmann, Der Sandmann (L'homme au sable). S. Freud, L'inquiétante étrangeté (das Unheimliche) et autres essais, Gallimard, coll. Folio, Paris 1988.

 

10- El Lissitsky. D'après J. Adler et U. Ernst, Op. cit. p.261.