L'IMAGE FIXE: "INSTANTANE"





Lorsque l'image est fixe elle est cliché, arrêt dans la production continue, l'éruption ininterrompue de la machine. Elle est un moment de cristallisation qui nous la livre épuisée par la profusion de ses métamorphoses. Un moment où, assouvie, s'altère l'imagination, où la vie du processus se fige en représentation. Un peu comme dans les rêves, ces images dont on se souvient, étranges et composées, et dont l'arrangement visuel falsifie l'importance de tout le processus.
Fatigué, l'artiste coupe le fil de l'image. Ravit un moment de vie du processus, gardant un &laqno;instantané» de son existence souterraine avec l'amertume d'une impuissance à retenir ce flot à jamais perdu de beauté. Un peu comme si de l'eau, dont on ne peut fixer par l'oeil l'infinie variétés des formes dans les jeux du soleil, l'image qu'on en gardait ne pouvait être le résumé de toutes.

Dans ce monde fusionnel et fluide semblable au monde du rêve, l'artiste devient le photographe de son propre processus de création. Les images sont des prises de vue sur un mécanisme enfoui et presque inaccessible, sur une puissance cachée dont elles sont indépendantes et sur laquelle elles se fondent pourtant en permanence.
Abîme de création où l'artiste est photographe de ce qu'il crée, d'une nature artificielle qu'il a déjà tenté d'organiser. Photographies d'un sommeil de machine laissé, bientôt à ses errances, à ses &laqno;pas perdus», en deçà de l'image et de son immobilité, quand la censure reprend son rôle et l'oubli...

D de B 95