Dans un monde saturé d'images que faire, sinon puiser dans cette
icô-nature? L'expérience de l'histoire de l'art et les nouveaux
pouvoirs de la technique me conduisent à ce voyage dans le temps
qu'annonçait Malraux dans son &laqno;Musée imaginaire»,
et que j'ai voulu peut-être concrétiser, mettre en oeuvre
dans la tentation d'un travail déjà préparé.
La citation et l'emprunt viennent peut être du désir aussi
de se situer dans le courant de l'art, de donner à une forme de
création non encore définie, une sorte de picturalité,
comme l'a fait le cinéma dans certains films.
Mais ce sont la reproduction et la photo ici qui suscitent et facilitent
l'emprunt, l'investigation dans l'oeuvre des autres et incitent à
la manipulation.
Car les livres d'art et la photo ont fait de l'oeuvre une oeuvre de masse,
déjà très remaniée par les découpages,
les gros plans, le goût des détails, les éclairages,
la réduction de l'imprimerie. Que reste-t-il de l'oeuvre originale,
l'orsqu'on n'en a pas toujours les dimensions, ni les couleurs exactes,
jamais la troisième dimension, l'odeur de craie des marbres?...
Continuer ces découpages, ces outrages admiratifs, ces hommages
iconoclastes, mais cette fois dans le désordre, comme ils nous apparaissent
chez le libraire, dans la bibliothèque, époques et styles
confondus, voisinant sans problème, comme ils voisinent dans un
musée, et finissant par fusionner dans la mémoire.
Monde de l'art passé par la photo, dont Malraux disait qu'elle les
faisait échapper aux nécropoles des musées, bien que
d'une autre nature, imaginaire et complexe et qui ne leur rendait ni leur
temples, ni leur palais, ni leurs églises.
Cette curiosité, cette recherche dans les plis de la peinture, est
renforcée et facilitée par le pouvoir que donne la machine
de pénétrer dans l'oeuvre des autres, d'en utiliser des fragments,
de les associer.
Par sa faculté de tout absorber, de numériser, de stocker,
de rendre ainsi manipulable et fertile ce qui lui est injecté, la
machine informatique m'incite au recyclage d'autres images, lambeaux arrachés,
à un réel déjà interprété. L'ordinateur
devient un &laqno;composteur d'images» et l'image &laqno;brouille-art»
informatique. Etrangère aux manipulations possibles du réel,
elle puise dans le grand congélateur rempli par la photo, musée
Grévin, collection Tussaud d'images, régénérant
à son tour l'art de la reproduction.
Fiction ou contrefaçon? Trompe l'oeil ou ironie? Protestation,?
Dénonciation? Oeuvre ou manoeuvre?...Je sais seulement que cette
recherche dans les oeuvres du passé ne dit pas: &laqno;c'était
mieux avant», mais &laqno;rien ne sera plus comme avant»!
D de B: "Icôlogie d'une image", CeTeC 94
