Thérèse Jacquot
Le travail de DdeB est une peinture simulée, un jeu avec les images possibles, une usure des images aux frottements de l'ordinateur.
Des images surgissent, multiples et se fondent, s'animent, se confrontent les unes avec les autres, pour s'achever sous le caprice de l'artiste. Pouvoir du simultané... L'ordinateur rend possible cette succession, cette confrontation quasiment instantanée, machine à transformer la rêverie, la promenade de l'imaginaire en de nouvelles mises en forme.
Ce n'est pas par hasard que les images de DdeB s'enflent, se déforment sous l'effet d'un soufle inconnu, comme si elles étaient réinventées. Cette re-création nous donne l'impression du travail du souffleur de verre qui joue avec les couleurs qu'il tient au bout de sa canne, au bout de son souffle. C'est que le travail sur ordinateur permet une distorsion rapide qui implique, à travers la machine, un refus de l'imagerie, de la représentation traditionelle. La juxtaposition d'images est, ici, prétexte à recréer un espace et à se jouer de l'espace géométrique. L'espace est infirmé dans sa possibilité à générer des objets solidement ancrés dans la perspective.
A l'espace DdeB substitue le mouvement, un mouvement qui crée une illusion d'espace. Le volume dans ces images est soigneusement dénaturé au profit d'une allusion constante au temps, d'une référence à l'espace intérieur. L'épaisseur des objets n'est pas construite dans les trois dimensions, mais se fonde sur un appel (appel à la qualité de l'objet, objet de tel tableau qui, ici, se re-présente) et un rappel de ce que l'objet peut ou a pu être.
Ce travail est un travail de Pénélope, canevas destiné à être défait et refait, prestigieux lambaux qui vont être tissés... une invitation pour le spectateur à s'emparer d'un fil et à cheminer dans cette trame... A nous de poursuivre une silhouette de Paolo Ucello, d'errer dans les fresques de Ravenne au plan-séquence d'Hitchcock, dédale dans lequel nous jouons avec notre mémoire et celle de l'artiste.
C'est cette intimité avec le temps, cette chaude convocation de la mémoire qui donne à certaines images une apparence de tapisserie, travail en transparence, tissage d'où s'échappent des silhouettes en visite, furtives, et qui continuent discrètement leur marche.
C'est un regard de l'intérieur que nous portons sur cette oeuvre, ce que nous y voyons surgit sous les paupières: l'art les yeux fermés au soleil couchant... Regard qui se réchauffe aux incendies de la mémoire, à la lumière dorée des images. Chaleur qui s'accomplie et s'accompagne de son double: images couleur de cendres, obscurités habitées par la lune: un jeu de vie et de mort, un tissage de ruines et de chairs glorieuses.